DIRE 2022 ! les Sistas !
























 

PourAnnoukka Nyyssonen- Le Kalévala 

par Bernadète Bidaude

Quand l’ombre gagne en toi, tu quêtes l’hydromel au ciel.

Quand l’ombre gagne en toi,
le Kantélé t’envoie en l’air.
Des cordes pincées, cheveux blonds d’une vierge sourd un mot de passe.
Tu tressailles.
Et te voilà le regard dénoué
volant par-dessus les marais.

Puis tu vagabondes
comme une branche fragile d’épicéa dans les forêts profondes. Ton visage se cherche dans les pins, les bouleaux et leurs racines. Le tambour des sèves frappe à tes tempes.
Le chant du Kalévala hoquette des lambeaux de clarté,
sculpte l’écorce de tes rêves.
Tu plonges, poitrine grande ouverte
et le sortilège commence.

Tu te penches sur le miroir d’un lac
et de ses brumes,
tel un kaléidoscope,
le mythe et la légende jaillissent entre granit et pain de seigle: un esclave maudit se rebelle,

une mère ratisse les restes de son fils pour le reconstruire, un vieillard chante au coucou, aux arbres, à l’eau
et le coucou, l’arbre et l’eau l’écoutent.

Entre le chant de l’ours et le chant de la fiancée, nous voilà ivres en Carélie!








Michèle Bouhet - Rondes de femmes 

par Bernadète Bidaude 

Un bouclier d’apparence entoure le corps ensilencé.

À l’orée de son ventre, le secret.
Les mauvaises langues tricotent un enfant du péché. À fleur de paroles, la colère.
La honte t’enivre...Ah! la culpabilité!

Les mains puisent sans trêve
dans d’invisibles cérémonies intimes:
consolations, réparations, mises à jour permanentes.

Dehors la culpabilité!
Sortir la femme du fond du puits
comme le masque de la mère habitée par l’absence.

Et à petits pas, oser,
oser l’envie d’une main sur son corps qui te renverse, pousser les nuages avec ta hanche,
desserrer les mains,
faire trembler le cœur.

Un vent brusque de joie déchire la peur, renverse la table des plaies brûlantes. Éclate un festin pour les bouches
au miel de nos amours.







Pour Aline Hémagi Fernande et Casta 

Par Bernadète Bidaude

Dans la chapelle fleurie,
deux femmes se tiennent la main,
les cloches sonnent.
Le cantique électro-gouine
brise les silences,
résonne dans la chapelle ardente du génie lesbien. Ainsi soient-elles!

Vos langues d’oiseaux, bestiasses,
troublent là où ça brûle.
Vous connaissez l’attente battante, empêchée, tranchée par les dents de fauve de la médisance, huitième vertu d’un catéchisme faux-cul
et des jugements mal venus.

Vos voix brisent, s’insurgent, soulèvent les silences des ordres intraitables du temps patriarcal.
Vous consacrez la lutte à l’endroit de la colère, empuissantées dans votre impénitente résistance, devenue l’outil insolent de votre légitime défense :

nous ne nous tiendrons pas captives nous ne nous rendrons pas!

Sur la terre comme au ciel,
vous allez, hilares et joyeuses, chantantes et amoureuses vers l’autel revisité.
Vos voix d’amour électriques en bandoulière
le sacré irrigue vos veines.
Et vous voilà couronnées de fleurs
labourant des champs de coriandre,
jardin des délices,
avec une joie immense.
Ainsi soient-elles!

Bienvenu.es au couvent de Sœur Sardine, de Sœur Casta et de la tempête bleue!












 Myriam Pellicane Royaumes Déchus
Par Bernadète Bidaude

L’élégance des mots crus dégraisse les cachalots.
Restent les os de l’immense tête d’une baleine
comme une porte sur les histoires extravagantes
et sans excuses les très vieilles histoires d’aujourd’hui.

Des envolées de la gorge magique, apparaissent les traces de la mort, la lisière du visible,
les fagots sombres,

les bas-côtés où tombent des nuées de croyances populaires :

un homme décousu,
une sardine qui se venge d’une comtesse,
l’apôtre Barbe Bleue,
la vierge Marie, dans une baignoire, mais c’est pas sûr !

Tout ce coq à l’âne réhabilite la sorcière animale ou démone.

Sous le voile de l’imaginaire chrétien,
tu débusques d’autres vies souterraines,
d’autres royaumes déchus à l’épreuve d’un contemporain dévasté.

Tu défends nos territoires de monstresses.
Ta langue vulve casse la gueule des sales types de tous temps et irrigues dans nos veines la beauté comme une arme.

 











 
Révoltes, traditions, circulations
Par Bernadète Bidaude
 
Nous ne comptons pas
le plus clair de nos heures passées
à ouvrir le coffre à merveilles
des traditions à interroger le ventre secret de nos révoltes.
Et pour un rien
tant de remous de stupeur d’effondrement de colère de jubilation
pour rejoindre les sources
désembroussailler les racines
identifier les renversements.
Nos mains liées et offertes
alors que reviennent les énigmes
nous refusons de ne rien comprendre
quand la peur pose son caillou dans le ventre.
Images modernes et primitives
entre limbes révélatrices et inquiétudes en archipels
entre les silences et les mots, les oui et les non
en valses subtiles et radicales
le feu Sistas nous révèle à nous-mêmes.
Nous ne sommes pas vieilles, disent les traditions
Nous ne sommes pas jeunes crient les révoltes
mais toutes sans âge.
Nous sommes
mouvement,
renouvellement,
oscillations des mémoires,
reliées par des points visibles et invisibles.
Nous sommes l'ovation debout à la fin de l’histoire
en écho à la grâce de l’indicible
et du grand dérangement de nos certitudes.




Pour Christine Horman, Évelyne Devuyst, Marie Thys

Par Bernadète Bidaude

Sur le fronton du château, une devise:
« sois à l’image de ton Roi ou ne sois pas »

Devant la glace, elle hésite,
la tête en pagaille, toute entortillée
par les injonctions du roi maudit.
Miroir, mon beau miroir, dis-moi:
— Je ne suis pas son portrait?
— Tu es cent fois plus belle que lui!
Le ciel du roi s’est obscurci devant tant d’éclat.
Mais ce sont ses traces dans la cendre qui l’ont trahie. Son pied d’oie comme viatique,
elle file rejoindre la cohorte
des êtres aux corps éphémères.

Aux confins du monde
des bègues, des bigles, des boiteuses, des corps cassés, des cœurs à nus, des gueuses, des pas pareilles sont entrées en dissidence.
Un nouveau chant s’élève de leurs gorges d’oiseau:
Nous ne marcherons pas sur l’herbe d’oubli,
tant que nous aurons du souffle, nous irons
d’un pied, de l’autre, à cloche-pied,
dire l’insupportable brûlure
des regards qui déchirent.

La grâce du pas de celle qui boite
balaie la table de nos certitudes.
La fragilité du corps de la fille de faïence cloue le bec de notre arrogance.
La partition de celles dont la parole trébuche délivre notre langue polie et apprêtée.

Les battements de leurs paroles nous obligent à nous regarder dans le miroir :
miroir, mon beau miroir,
monstre-moi telle que je suis!














Swan Blachère - Le ventre de la géante

par Bernadète Bidaude

Il ne conjugue pas son verbe au bon vieux temps et pourtant il grimpe sur la géante,
l’immense cheminée de l’usine.
À la rencontre de l’histoire,

il interroge le silence, il grimpe.

Le destin des fils s’est tu.
Il grimpe.
Le peignage de la laine n’est plus.
Il grimpe.
Et tout en haut
Se révèle un sacré point de vue sur la ville disqualifiée.

Surpiquage de l’histoire,
le jour où la porte de l’usine a fermé,
tout s’est arrêté.
Seul le café reste ouvert
Où se retrouvent les ouvriers et les ouvrières en mal de devenir.
Les pulls de laine s’effilochent.
Les coudes se trouent au comptoir.
Les voix enrouées soupirent
entre deux bières,
le blues des géantes au cœur de feu.

Allô la république ?
Une ville disqualifiée
vous demande pourquoi.
Ici sans raison, une usine ensilencée vous demande justice.

Nous aiguisons nos aiguilles à tricoter, vous n’avez qu’à bien vous tenir!





























Pour Cécile Delhommeau et Anne Deval 

Par Bernadète Bidaude

Une urgence à protester, un honneur à défendre.
Héritières de certaines rages, de certains rêves de leurs ancêtres Elles racontent.

C’est l'histoire d'une jeune femme qui devient députée, se pique à une aiguille à tricoter,
ne s’endort pas mais fait de sacrés rêves:
lever le voile sur le mythe du roman national, pulvériser les façons erronées de voir la République, les dessous de l’Histoire qui exhalent

racisme, sexisme, classisme et injustice.

Les femmes sont le prolétariat de l’Histoire,
partout,
elles étendent sur les fils à linge,
l’alphabet des récits de leurs combats et de leurs luttes.

Le corps rompu dès l’aube,
les ouvrières trempent l’éclair bleu des faux
dans la sueur qui dégouline de leurs aisselles.
Elles assemblent une immense couverture patchwork,
y brodent les mots liberté, émancipation, équité, solidarité.

Entre parole poétique et parole politique,
persiste à battre une veine où coule un jour nouveau. un matin qui leur fait aimer plus que la vie.

Un vieux désir trépigne dans leurs chaussures. En un glissement du cœur vers le corps en route, elles charpentent le bonheur de vivre
pour que justice soit faite !


























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